Marsannay : l’histoire d’un vignoble singulier au seuil de la Côte de Nuits
- Jean de Leusse
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Marsannay : l’histoire d’un vignoble singulier au seuil de la Côte de Nuits
À la lisière de Dijon, le vignoble de Marsannay s’étire discrètement sur les premiers coteaux de la Côte de Nuits. Longtemps discret, parfois même sous-estimé, il incarne aujourd’hui un pan méconnu mais essentiel du patrimoine viticole bourguignon. Son histoire, riche en rebondissements, mérite que l’on s’y attarde.
Un terroir aux portes de la ville
Le vignoble de Marsannay occupe une position unique : il est le plus septentrional des crus de la Côte de Nuits et jouxte directement la ville de Dijon. Il s'étend sur trois communes — Marsannay-la-Côte, Couchey et Chenôve — pour une surface d’environ 230 hectares. Cette proximité immédiate avec la ville, rare en Bourgogne, a fortement influencé son évolution au fil des siècles.
Longtemps, cette situation géographique lui a valu d’être relégué à un rôle secondaire, la priorité étant souvent donnée aux besoins agricoles ou à l’urbanisation. Pourtant, ces coteaux exposés à l’est et bien drainés bénéficient de conditions très favorables à la culture de la vigne.
Une histoire ancienne, mais dans l’ombre des grands crus
Comme dans une grande partie de la Bourgogne, la vigne est présente à Marsannay depuis l’époque gallo-romaine. On retrouve des traces d’amphores et d’exploitation viticole dès l’Antiquité. Au Moyen Âge, les terres sont cultivées par des moines, des abbayes et des seigneurs locaux, qui identifient les meilleurs terroirs et posent les bases du morcellement des parcelles selon leur qualité, ce que l’on nommera plus tard les "climats" de Bourgogne.
Toutefois, à l’époque moderne, Marsannay ne connaît pas la même ascension que les villages plus au sud. Alors que Gevrey-Chambertin, Vosne-Romanée ou Nuits-Saint-Georges gagnent en prestige, Marsannay reste à l’écart des grandes classifications. En 1936, lors de la création des premières AOC, il n’obtient pas d’appellation communale propre. Il faudra attendre plusieurs décennies pour que son potentiel soit reconnu.
Le rosé de Bourgogne : une signature locale
C’est au XIXe siècle que Marsannay va se distinguer, non pas par ses rouges ou ses blancs, mais par un vin rosé sec et de caractère, issu du Pinot Noir. Ce vin séduit rapidement les palais locaux. Il devient même le vin officiel des réceptions organisées par la mairie de Dijon, ce qui contribue à sa notoriété dans la région.
Contrairement aux rosés légers et fruités du sud de la France, celui de Marsannay affirme sa singularité : une robe soutenue, une bouche fraîche mais structurée, et un véritable potentiel gastronomique. Il devient, pour la Bourgogne, un rosé de référence, apprécié pour son authenticité.
Une reconnaissance tardive mais précieuse : l’AOC Marsannay
En 1987, Marsannay obtient enfin le statut d’Appellation d’Origine Contrôlée. Cette reconnaissance consacre la qualité du travail des vignerons et la richesse du terroir. L’AOC Marsannay présente une particularité rare en Bourgogne : elle est la seule appellation communale à produire les trois couleurs de vin.
Les vins rouges, majoritairement issus de Pinot Noir, se distinguent par leur fruité, leur structure élégante et leur belle capacité de garde. Ils évoquent parfois leurs voisins de Fixin ou Gevrey-Chambertin, avec une touche plus accessible. Les vins blancs, à base de Chardonnay, offrent des profils floraux, minéraux, parfois boisés, avec une belle tension en bouche. Quant aux rosés, ils restent la signature historique du village : secs, pleins, et taillés pour la table.
Un vignoble en pleine ascension
Depuis les années 2000, Marsannay connaît une profonde transformation. Une nouvelle génération de vignerons, passionnée et exigeante, s’attache à révéler toute la finesse de ses terroirs. Parmi eux, Sylvain Pataille occupe une place centrale. Œnologue de formation, il s’est imposé comme un artisan engagé de la Bourgogne nouvelle : culture en bio, vinifications naturelles, mise en valeur des climats.
À ses côtés, d’autres domaines comme Bruno Clair, Huguenot, Collotte, ou Domaine des Rouges Queues participent à cette montée en gamme. Ils redessinent la réputation du vignoble et réconcilient Marsannay avec le haut niveau de la Côte de Nuits.
Cette dynamique a d’ailleurs débouché sur une demande officielle de classement en Premier Cru pour plusieurs climats particulièrement qualitatifs. Des lieux-dits comme Clos du Roy, Les Longeroies, Boivin, Les Grasses Têtes ou Champ Salomon pourraient ainsi rejoindre la carte des crus reconnus de Bourgogne. La décision, toujours en cours d’examen, serait une consécration logique du travail accompli depuis plus de 30 ans.
Un lieu à redécouvrir pour les amateurs de vin et de patrimoine
Marsannay, longtemps discret, attire aujourd’hui une clientèle curieuse et éclairée. Il séduit par sa diversité de vins, mais aussi par sa proximité immédiate avec Dijon, ce qui en fait une destination idéale pour une escapade œnologique à la journée.
Les vignes y sont accessibles à pied ou à vélo, les caves accueillantes, et les paysages préservés. La commune offre aussi quelques points d’intérêt patrimoniaux : lavoirs, églises, pressoirs anciens… tout y respire l’authenticité. Le calme du village contraste avec l’effervescence de ses cuvées.
Conclusion : Marsannay, le renouveau tranquille d’une Bourgogne confidentielle
Marsannay incarne aujourd’hui une forme de renaissance viticole. Entre respect du terroir, innovation technique et reconnaissance progressive, il symbolise une Bourgogne plus ouverte, plus accessible, mais toujours exigeante. Ce village, qui fut longtemps perçu comme une simple transition entre ville et vignoble, devient une destination à part entière.
Son histoire, faite de patience et de discrétion, se lit désormais dans ses bouteilles. Rouge, blanc ou rosé, chaque cuvée raconte une facette de ce territoire en pleine affirmation. Marsannay n’est plus un point de départ. C’est une étape précieuse du voyage bourguignon.
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