Yann Durieux, l’insoumis de la Côte de Nuits

Yann Durieux, l’insoumis de la Côte de Nuits

Chronique d’un vin libre né en Bourgogne

Dans les hauteurs méconnues de la Haute-Côte de Nuits, là où les grands crus cèdent la place aux haies, aux forêts et aux silences, un vigneron solitaire mène sa révolution tranquille. Il s’appelle Yann Durieux, et ses vins, qui ne ressemblent à aucun autre, bousculent depuis les années 2010 les certitudes bien établies du monde viticole bourguignon. Là où d’autres cherchent la reconnaissance d’un classement, lui poursuit une chose plus rare : l’émotion.

Formé dès l’adolescence au Prieuré-Roch, domaine emblématique du vin en biodynamie, Durieux apprend tôt que la vigne se respecte autant qu’elle se cultive. Il y découvre la lenteur, le soin, le goût du geste juste. Mais ce qu’il retient surtout, c’est une philosophie : le vin n’est pas un produit, mais un prolongement du vivant.

En 2010, il quitte le confort des domaines reconnus pour reprendre quelques hectares à Villers-la-Faye, sur des terres que la Bourgogne officielle considère comme périphériques. Il y fonde Recrue des Sens, un nom à la fois doux et radical, comme un appel à rebrancher les corps sur la nature. Très vite, il choisit une voie singulière : aucun soufre, aucune correction, aucune levure ajoutée. Un vin nu, intégral, qui ne triche pas.

Refusant les carcans des appellations, il abandonne même l’étiquette “Bourgogne” au profit de la plus simple mention “Vin de France”. Pour certains, c’est un renoncement. Pour lui, c’est un espace de liberté. Il baptise ses cuvées Tête de Ponts, Love & Pif, Night Coast… Des noms qui sonnent comme des chansons ou des cris du cœur, jamais comme des numéros de lot.

Son chai ne ressemble à rien de ce que l’on imagine en Bourgogne : des graffitis sur les murs, de la musique à fond, des fûts qui semblent posés là comme des passagers en transit. C’est une scène punk, un atelier d’alchimiste. Ce qu’on y fait, pourtant, est profondément ancré dans la terre. Chaque cuvée est une tentative, une respiration, parfois lumineuse, parfois hasardeuse, mais toujours sincère.

Le monde du vin traditionnel regarde d’abord ce drôle de personnage avec scepticisme. Ses bouteilles troubles, ses fermentations qui reprennent en bouteille, ses choix radicaux déroutent. Mais ailleurs, on applaudit. À Tokyo, à Copenhague, à Brooklyn, ses vins deviennent cultes. Ils sont servis dans les restaurants étoilés les plus pointus, étudiés, collectionnés, commentés comme des œuvres d’art brut.

Loin de tout folklore marketing, Yann Durieux reste discret. Pas de site internet tapageur, pas de boutique en ligne, pas de storytelling fabriqué. Il préfère parler de ses vignes que de sa marque. Il vinifie comme on médite, sans filet, au gré des saisons, avec l’instinct d’un paysan-philosophe.

Et c’est peut-être cela, la force de ce vigneron hors case : rappeler que le vin, avant d’être un produit de luxe, fut un acte de foi, un reflet de la terre, un lien sensible entre le climat, la plante et l’homme. À l’heure où la Bourgogne se mondialise, se monétise et se classe à coups de millions d’euros l’hectare, Yann Durieux trace une ligne plus discrète, mais sans doute plus durable : celle de l’intégrité absolue.

Il ne cherche pas à convaincre. Il fait. Il goûte. Il écoute.
Et dans chaque bouteille, un peu trouble, un peu libre, beaucoup vivante, on entend encore vibrer la voix d’un vigneron qui n’a jamais voulu ressembler à un autre.


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